L'éloge de l'ancrage : être humain, spirituel et intuitif
- Bérengère Musard

- 24 sept.
- 4 min de lecture
Dans un monde où la spiritualité est souvent associée à l’élévation, à la transcendance ou à la quête d’un ailleurs éthéré, l’ancrage peut sembler terre-à-terre, presque trivial. Pourtant, être ancré·e dans la matière, dans son corps, dans l’instant présent, est une des clés les plus puissantes pour vivre une spiritualité authentique et intuitive.
Ici, on célèbre l’ancrage comme un art sacré, un pont entre notre humanité et notre essence spirituelle, et explore comment embrasser pleinement notre condition humaine renforce notre lien à l’intuition et à l’univers.

L’ancrage, c’est d’abord se reconnecter à la terre, à notre corps, à la réalité tangible. C’est marcher pieds nus sur l’herbe, sentir le poids de nos pas sur le sol, écouter le rythme de notre souffle. Dans de nombreuses traditions spirituelles, la terre est vénérée comme une mère nourricière. Les peuples autochtones, comme les Lakota, parlent de « marcher en harmonie avec la Terre Mère » pour rester aligné·e avec soi et avec le cosmos (Black Elk, 1953). Loin d’être une entrave, la matière est un réceptacle sacré de notre expérience humaine.
Dans notre quête spirituelle, il est tentant de vouloir s’élever au-delà du corps, de fuir les émotions brutes ou les contraintes du quotidien. Mais nier la matière, c’est nier une partie essentielle de ce qui nous rend vivant·es. L’ancrage nous rappelle que notre corps est un temple, que nos sensations sont des messagers, que la lourdeur de la gravité est une danse avec l’univers.
Être spirituel, ce n’est pas rejeter notre humanité, mais l’embrasser pleinement. Nos rires, nos larmes, nos colères, nos failles sont autant de portails vers une compréhension plus profonde de nous-mêmes. La spiritualité incarnée ne cherche pas à nous arracher à notre condition, mais à nous y enraciner. Comme l’écrit la poétesse et mystique Rûmî, « Au-delà des notions de bien et de mal, il y a un champ. Je t’y rencontrerai » (Barks, 2004). Ce champ, c’est notre humanité, avec ses contradictions et sa beauté.
L’ancrage nous permet de vivre cette humanité sans honte. Manger un repas lentement, savourer la texture d’un fruit, sentir la chaleur d’une étreinte : ces actes simples sont des rituels spirituels. Ils nous rappellent que le divin ne se trouve pas seulement dans les hauteurs, mais dans la chair, dans le sol, dans l’odeur de la pluie.
L’intuition, fille de l’ancrage
L’intuition, cette voix intérieure qui guide sans expliquer, prospère dans un corps et un esprit ancrés. Quand nous sommes déconnecté·es de notre corps, submergé·es par le mental ou dispersé·es dans des distractions, l’intuition devient un murmure difficile à entendre. En revanche, lorsque nous sommes présent·es à nous-mêmes, enraciné·es dans l’instant, elle s’exprime avec clarté.
Pensez à une promenade en forêt : le craquement des feuilles sous vos pieds, le chant des oiseaux, la brise sur votre peau. Dans ces moments, l’intuition surgit naturellement, comme une boussole intérieure. Des études en neurosciences, comme celles de Damasio (1994), montrent que nos émotions et sensations corporelles jouent un rôle clé dans la prise de décision intuitive. Être ancré·e, c’est donner à notre intuition un terrain fertile pour s’épanouir.
Être ancré·e, c’est être à l’écoute de ces signaux corporels. En se reconnectant au corps – par la respiration consciente, le contact avec la terre ou la pleine conscience des sensations – on amplifie notre capacité à entendre ces marqueurs somatiques. Cela renforce l’intuition, qui devient une alliée dans la navigation de la vie quotidienne ou des pratiques spirituelles. Par exemple, une méditation ancrée, où l’on se concentre sur le poids du corps ou le souffle, peut clarifier une décision intuitive en amplifiant ces signaux corporels.
L’ancrage peut être vu comme un acte d’homéostasie spirituelle et physique. En se reconnectant à la matière – la terre, la nourriture, le corps – on répond à un besoin fondamental d’équilibre. Les pratiques comme marcher en forêt ou tenir une pierre dans la main (comme dans les traditions celtiques mentionnées dans un article précédent) ne sont pas seulement symboliques : elles restaurent un sentiment de stabilité qui nourrit à la fois le corps et l’âme.
Références :
Damasio, A. R. (1994). L’Erreur de Descartes : Émotion, raison et le cerveau humain. Odile Jacob.
Damasio, A. R. (1999). Le Sentiment même de soi : Corps, émotions, conscience. Odile Jacob.
Comment cultiver l’ancrage au quotidien
L’ancrage n’exige ni retraites coûteuses ni pratiques complexes. Voici quelques façons simples de l’intégrer dans votre vie, en honorant à la fois votre humanité et votre spiritualité :
Reconnecter avec le corps : Prenez cinq minutes chaque jour pour respirer profondément, en posant vos mains sur votre ventre ou votre cœur. Sentez votre poids contre la chaise ou le sol. Ce simple geste recentre.
Marcher en conscience : Que ce soit dans un parc ou sur un trottoir, marchez lentement, en prêtant attention à chaque pas. Imaginez que vous « dialoguez » avec la terre.
Honorer la matière : Préparez un repas avec soin, touchez des objets du quotidien (une tasse, un livre) en ressentant leur texture. Ces actes ramènent au présent.
Célébrer les émotions : Quand une émotion surgit, même inconfortable, accueillez-la sans jugement. Demandez-vous : « Qu’est-ce que mon corps me dit ? » Cela renforce le lien entre intuition et ancrage.
Rituel de gratitude terrestre : Une fois par semaine, offrez un petit geste à la terre – planter une graine, arroser une plante, ou simplement poser vos mains sur le sol en remerciant.
Revoir ma vidéo sur l'ancrage :



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